Black day
Elle me dit, en coloriant, que sa mère la frappe tous les matins. Qu'elle lui lance des baskets à la figure. Parce qu'elle ne déjeûne pas assez vite. Parce qu'elle doit mettre son pantalon. Mais c'est pas sa faute, à elle, elle se dépêche mais elle veut terminer son déjeûner. Elle me dit que ça lui fait des bleus, et que ça fait mal.
Lui part en courant dans la pièce d'à côté et prend un cutter, sur le bureau. Il pose la lame le long de sa gorge. Il dit qu'on ne l'a pas laissé faire avec la corde à sauter, que là il va se tuer avec le cutter. Personne ne veut de moi. Tout le monde s'en fout de 
moi. Je veux mourir. Je suis nul. Je ne suis pas comme les autres. Il court, il court, je le suis, je cours, dans une demi-lucidité je bénis mes baskets et me jure de ne plus mettre de talons au travail, je cours, je cours, il crie dans les escaliers, dans les couloirs, et puis mon allié arrive d'en haut, le petit est coincé. Le métal du cutter retrouve la gorge chaude, il menace, il se menace, on se rapproche, on le ceinture, il se débat, on lui arrache le cutter, je cours. PLeurer.
Je dois repartir retrouver la mère. Elle est malade d'inquiétude pour sa fille. Elle refuse les soins de l'hôpital de jour. Elle est en colère. Elle crie. Elle argumente devant ces 10 professionnels qui ne sont pas d'accord. Une mère qui défend sa fille becs et ongles, qui refuse sa maladie, ses difficultés. Qui veut l'école.
Ce soir je me demande... je me demande... où est le rôle de l'école... comment je dois me positionner... ce que je peux apporter à ces enfants... où je dois m'arrêter... quels sont les mots à utiliser, les gestes à avoir, les démarches à faire... welcome. Welcome home.
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