Ignace

Diantre, mais que font ces saletés de cailloux dans mes raisins secs ? ma raison sèche. C'est impossible, c'est hallucinant, c'est renversant ! Qu'il y traîne des pépins, passe encore, mes ancêtres m'ont raconté que jadis les raisins comme les pastèques contenaient d'assassins pépins dont l'un donna vie au petit Charlemagne qui, entre autres conneries, inventa l'école et les vacances scolaires, ce qui me fait penser qu'elles sont terminées et que le turbin m'attend. Je tourne en boucle. J'écris, j'écris, ne travaille pas et regarde l'épée pendouiller au bout de son fil en me demandant si elle tombera. Ou pas. En tous cas y'a des cailloux dans mes raisins, et ça franchement, ça craint.

Je suis à Villejuif. Ignace me regarde de ses gros yeux et je l'aime. Mon petit, mon tout-petit, mon bébé difforme qui n'attend que de grandir, mais sois patient voyons, tu viens de sortir de mon ventre, tu es encore tout mouillé... attends de sécher...

Je suis à Villejuif et, ceci ne colle pas aux idées préconçues, pré-con-cul, sur l-au-delà du périph, les oiseaux chantent. En rythme, s'il vous plaît, avec les moteurs vrombissants des vingtenaires désoeuvrés, et les cris des enfants savourant leurs derniers instants... de vacances. Les mères hurlant de ne pas s'éloigner sans elles. Mais c'est quand même vachement drôle de courir dans tous les sens, moi j'aime bien ça, et j'aime aussi patouiller dans la terre ou la colle à papier. Les enfants sont sources de ma joie. De ma foi.

Et les portes sont grandes ouvertes sur le vide de mon cinquième étage; j'aimerais bien écrire une chanson pour Madjo mais ça alors c'est un truc que je ne sais pas faire; peut-être me faut-il décanter avant de balancer?
Je vois la crête des immeubles, verte, et celle des arbres, grise, ou alors c'est l'inverse; j'entends le boum boum de la 206 tunée de Kévin, ou Momo, ou Sacha, il se joint aux enfants. Aux ados. Aux motos. A Madjo.

J'attends que le temps passe, certains c'est les trains, mais moi pas, je suis pas une grosse vache. Quoique ça dépend si on me regarde le matin ou le soir, quelqu'un m'a très justement fait remarquer que j'étais beaucoup plus mince le matin. C'est dommage parce que le matin dure moins longtemps que l'après-midi, phénomène que j'ai découvert il y a peu et qui m'angoisse au plus au point, on a rien le temps de faire le matin et l'après-midi sonne la prévision de la fin de la journée, où sont passées mes heures?...

Y'a des cailloux dans mes raisins, et ça me fait pas rigoler. La vie est une chienne. Ouaf.